JO de Mexico, 1968, remise des médailles du 200m. C’est le moment où d’ordinaire le vainqueur savoure sa gloire. Cette gloire,Tommie Smith la mérite. Il a survolé le 200m, inscrivant un nouveau record du monde en 20s06, un record si haut qu’il tiendra onze ans. Mais au moment où le Star-Spangled Banner résonne et le drapeau américain s’élève dans le Stade olympique, Tommie Smith et son compatriote John Carlos baissent la tête et lèvent un poing ganté de noir. Un poing contre la ségrégation subie par les Noirs américains, un poing pour l’égalité entre tous les hommes. Les deux hommes se tiennent en chaussettes, pour rappeler la pauvreté de la majorité des Noirs aux USA. Sur la deuxième, marche, l’Australien Peter Norman arbore sur sa poitrine un badge de l’Olympic Project for Human Rights, groupe auquel appartiennent Smith et Carlos.

Sur le mur du terrain de sport qui porte désormais son nom, sa citation : « J’ai compris qu’à mon tour je devais prendre mes responsabilités. Je n’avais pas le droit de ne rien faire de la notoriété qu’un don du ciel m’avait apporté. »

Bannis à vie

Si ce geste eu une portée internationale, il valut à Tommie Smith et John Carlos d’être interdits de compétition à vie, et des années de menace de mort. C’est pour commémorer son courage, ses valeurs, que la Ville de Saint-Ouen a invité le champion d’athlétisme et de la défense des droits civiques à l’inauguration d’un terrain de sport de loisir à son nom.

Devant un public dense et enthousiaste, Tommie Smith désormais âgé de 80 ans se tenait droit comme toujours et déclarait : « C’est un grand jour, un grand jour, pour les jeunes, et les plus si jeunes. C’est un honneur pour moi que mon nom soit attaché à ce lieu. Ce lieu, pour les jeunes, avec de l’éducation, des conseils… C’est une avenue pour filer droit vers un avenir meilleur ! »

Bernard Lama, gardien des Bleus de 1998, et Lamia Aqallal du Medef 93-94 ont tenu à saluer la légende Tommie Smith.

Légèrement en retrait, un autre grand sportif engagé contre le racisme, Bernard Lama, gardien de but des Bleus de 1998, avait tenu à saluer le grand homme. « Lorsque Lamia Aqallal du MEDEF du 93-94, m’a invité, je tenais absolument à venir ! On sait ce qu’il représente, il nous a aidé dans nos carrières, dans nos vies. Les trois du podium ! Ils se sont sacrifiés pour les générations futures. »

Coach Nola, avec les jeunes de la Tommie Smith Youth Initiative sur le terrain de Saint-Ouen.

L’éducation des jeunes, une attention constante pour le champion américain qui a créé la Tommie Smith Youth Initiative, pour « Améliorer l’esprit de nos jeunes et encourager leurs dons et capacités naturels en leur inculquant les vertus de discipline, forme physique, caractère et courage. » Certaines de ces jeunes pousses ont eu la chance de l’accompagner dans son voyage en France, bien encadrées par « Coach Nola », qui explique : « Ce sont les Black Wings (Ailes Noires) du Tommie Smith youth athletic team. Ils sont 13, 2 de la Nouvelle-Orléans, 4 de la région de la baie de San-Francisco, 2 de Géorgie, 1 du Maryland, 3 de Londres. Tous ont été sélectionnés pour leur résultats scolaires aussi bien que leurs performances sportives pour disputer le Tommie Smith Challenge, dimanche dernier avec des jeunes de Clichy-sur-Seine et de Saint-Ouen. »

Au travers des actions menée pour l’éducation des jeunes, pour l’égalité de tous et toutes, le geste de Tommie Smith et Roberto Carlos, ce soir du 6 octobre 1968 à Mexico, n’a pas fini de résonner à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis.

Georges Makowski

Photos : Sylvain Hitau