Elle a encore dans les oreilles le bourdonnement du stade Thomas-Robinson de Nassau, aux Bahamas, théâtre de la qualification du relais ivoirien en mai dernier. « C’était une ambiance incroyable. Jamais je n’avais vu des conditions pareilles pour un relais. Il y avait tellement de bruit dans le stade que les relayeuses devaient crier plusieurs fois au moment des transmissions », raconte celle qui avait assisté à la qualification du train orange en spectatrice, en tant que relayeuse remplaçante.

« Mais c’est pas grave, moi ce que je vise, c’est la sélection finale », explique Whitney qui avait donné de la voix à son tour pour encourager ses compatriotes Murielle Ahouré, Jessika Gbaï, Maboundou Koné et Marie-José Ta Lou.

Deuxièmes lors du relais de repêchage, leurs excellents 42’’63 leur ont valu de battre l’Espagne ou la Belgique et les envoient au Stade de France le 8 août, pour la première fois dans l’histoire du relais 4×100 ivoirien.

Le billet en poche, il est maintenant l’heure de songer à la qualif individuelle. « On est 6 pour 5 places, sachant que 3 filles y seront d’office parce qu’elles courront aussi sur des épreuves individuelles », détaille Whitney, qui matchera donc contre l’expérimentée Murielle Ahouré et l’autre remplaçante Dinedye Denis.

Une situation finalement comparable à celle de Mallory Leconte, sa coéquipière en club qui, si elle a contribué à qualifier la France pour les JO aux Bahamas, est elle aussi à la lutte pour faire partie du collectif bleu du 4×100.

« On est très copines. On se soutient mutuellement dans notre rêve de faire les Jeux, elle pour la France, moi pour la Côte d’Ivoire. Parfois, il y a des petits moments de doute, mais on garde nos objectifs en tête », confie Whitney qui s’imagine tous les jours sur la piste violette du Stade de France, avec sa mère, son frère et sa sœur en tribunes. « Voilà 12 ans ou presque que je m’entraîne tous les jours au pied du Stade de France. J’en connais chaque recoin, donc oui bien sûr, c’est un rêve dont j’aimerais qu’il devienne réalité », souligne la championne de France espoirs 2021, dont le record perso sur 100m affiche actuellement 11’’59 (pour des minima à 11’’06).

La Côte d’Ivoire, cette sprinteuse née de deux parents ivoiriens s’en est rapprochée l’année dernière. Elle qui a la double nationalité voit évidemment cette double culture comme une richesse. « Mes parents sont de l’ouest de la Côte d’Ivoire mais ils ont fait construire une maison à Abidjan. En 2022, quand je suis allée en Côte d’Ivoire, j’ai pu rencontrer là-bas la majorité des membres de ma famille. »

Et pourquoi s’être mise à l’athlé ? La réponse fuse comme une sprinteuse jaillit des starts : « ce qui me plaît, c’est la compétition, le plaisir de courir vite. Sentir que tout ce qu’on fait à l’entraînement paye le jour de la compétition. » Et de se souvenir de ses 6 ans, quand elle a commencé l’athlétisme à l’USO Bezons. Saint-Denis est venu plus tard, à 13 ans, quand la famille s’est établie à Pierrefitte. « Un jour que je me baladais avec ma mère au marché de Saint-Denis, j’ai vu la banderole de Saint-Denis Emotion au forum des assos, et c’était parti », raconte celle qui depuis ses débuts a le même entraîneur, Alioune Ndiaye, à l’exception d’une parenthèse de deux ans avec Jean-Marc Grava.

Pour tout habitant de Seine-Saint-Denis, voir un match Mallory Leconte-Whitney Tié serait beau. « On est amies dans la vie, mais sur la piste, il n’y aura pas de pitié. Après, une fois qu’on aura passé la ligne, on savourera ce moment exceptionnel, en espérant être sur le podium toutes les deux », rêve celle qui se décrit comme une éternelle positive. De l’orange, du bleu, sur la piste violette du Stade de France… on est prêt à prendre plein les yeux !

Christophe Lehousse