Vous êtes la troisième d’une fratrie de dix enfants et à 11 mois, vous attrapez la polio. C’était compliqué, dans les années 50 de suivre une scolarité, faire du sport ? 

La poliomyélite m’a privée de l’usage d’une jambe quand j’étais bébé mais ma maman s’est battue pour que j’ai une scolarité normale plutôt que d’aller dans un centre spécialisé. Ce n’était pas toujours facile avec les autres enfants même si l’institutrice me mettait sous cloche pour me protéger. A la maison, j’avais des relations très complices avec mes frères et soeurs qui ont remarqué très vite que j’avais la bougeotte – ce qui me faisait souvent tomber – et ma famille m’a incité à m’inscrire dans un club de sport de Sarcelles.

C’était le début du handi-sport et alors que j’avais 13, 14 ans, le Président de ce club m’a incitée à découvrir le basket fauteuil, la para natation, la course en fauteuil… Un jour, je rencontre un maître d’armes dans une salle proche des Invalides qui me met un fleuret entre les mains en me disant de me débrouiller… Je me prenais pour d’Artagnan et j’ai passé une année très agréable à combattre des valides, ce qui m’a paradoxalement avantagée par rapport aux sportifs handi qui s’entraînaient ensemble.

A 23 ans, vous vous imposez lors des Internationaux de Bruxelles. Vous prenez alors conscience que vous pouvez atteindre le haut niveau ? 

A l’époque, l’escrime fauteuil, que je pratiquais trois fois par semaine, m’apportait un sentiment de liberté et d’épanouissement. Je me suis inscrite au Foyer laïc éducatif et populaire d’Aulnay-sous-Bois en passant en parallèle mon Certificat d’études pour devenir secrétaire-dactylo. Les premières compétitions que j’ai gagnées ont impressionné mon maître d’armes qui m’a inculqué toutes ses techniques, ses stratégies d’attaques et de parades… À cette époque, j’aimais bien l’ambiance conviviale du club, la bienveillance entre combattants valides et invalides, la petite reconnaissance que je commençais à avoir dans l’association et dans mon quartier d’Aulnay, le soutien des élus…

Par ailleurs, mes employeurs, le patron d’une société alimentaire à Aubervilliers puis un administrateur de biens d’Aulnay-sous-Bois se sont montrés compréhensifs en acceptant une certaine souplesse au niveau des horaires de travail. Mon coach, me voyant enchaîner les victoires, m’a poussée à aller le plus haut possible et intégrer l’Equipe nationale d’escrime fauteuil. J’ai fait des stages dans ce groupe mixte au CREPS de Reims, puis de Montpellier et en 1972, nous avons participé aux Jeux paralympiques, qui débutaient alors, à Heidelberg en Allemagne. J’ai obtenu la médaille d’or en individuel et l’argent en équipe, ce qui m’a donné une certaine confiance et le virus des compétitions internationales.

 

Josette Bourgain-Merckx porte une touche à son adversaire aux Championnats de France.

C’est peu dire ! Vous avez raflé 8 médailles d’or aux Championnats de France et 7 au Championnats du monde ! Et l’or en individuel et l’argent en équipe aux JO de Toronto en 1976 ! 

J’avais la culture de la gagne outre la concentration et la rapidité permettant de prendre l’avantage et établir très vite une stratégie. Plus l’observation de l’adversaire et une certaine résistance à la fatigue… Après Toronto, j’ai décroché l’or en individuel et en équipe aux Pays-Bas en m’entraînant à fond lors de chaque olympiade.

Les Jeux paras étaient alors beaucoup moins médiatisés qu’aujourd’hui et nous combattions dans des stades pratiquement vides. Malgré tout, les compétitions me permettaient de voyager, de nouer de belles amitiés car les relations étaient détendues en dehors de la piste d’escrime. J’ai mis ma carrière entre parenthèse à la naissance de mon fils pour reprendre aux JO de Barcelone en 92 où je n’ai eu que 3 médailles d’argent. Malgré cette déception personnelle, nous avons senti qu’à ce moment, les Jeux paralympiques commençaient à être reconnus par le grand public et les médias, ce qui nous a touchés. Et cet intérêt international a encore crû lors des Jeux d’Atlanta quatre ans plus tard.

 

Où vous obtenez encore l’or en individuel et en collectif ! Avec 60 breloques au total sur votre carrière, votre palmarès donne le vertige ! 

Je ne me suis jamais prise pour quelqu’un d’exceptionnel. J’aimais gagner mais c’était surtout les relations humaines et l’émulation avec les athlètes de l’Equipe de France qui m’intéressaient. Après Atlanta, j’ai reçu la Légion d’Honneur des mains de Jacques Chirac, en présence de Guy Drut (NDLR : athlète olympique puis membre du CIO) et de ma famille, ce qui m’a beaucoup émue. Depuis, j’ai fait pas mal d’interventions dans les écoles de Seine-Saint-Denis pour faire connaître l’escrime fauteuil avec le plaisir de voir la curiosité et les étoiles dans les yeux des enfants.

Installée désormais dans l’Oise, je fais du bénévolat dans une épicerie solidaire et je me suis prise de passion pour la musique en chantant dans une chorale, jouant du djembé… Le CIO m’a fait l’honneur de m’inviter à la Cérémonie d’ouverture des jeux paralympiques de Paris 2024 le 28 août et je vais bien sûr assister aux épreuves d’escrime fauteuil. Je pense que je serai assez émue de voir les fleurettistes paralympiques d’aujourd’hui : Clémence Delavoipière, Ludovic Lemoine… Les Chinois sont très forts mais la France a quand même une tradition d’excellence en escrime. Ce serait tellement beau si après un doublé aux JO, on pouvait revenir avec une médaille aux Jeux paras !

 

Josette Bourgain-Merckx, athlète para la plus médaillée en escrime, est décorée de la Légion d’Honneur après son triomphe aux Jeux d’Atlanta.

 

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