« C’est incroyable. Mais comment ils font ça sans voir ! » Selma n’en revient pas. La collégienne de Pablo-Neruda à Montfermeil ne sait pas si elle doit être plus émerveillée par les performances des joueurs de cécifoot ou par le cadre dans lequel elles se déroulent : au pied de la Tour Eiffel, là où déjà pendant les Jeux olympiques avaient lieu les épreuves de beach-volley.
L’élève de 3e mesure d’autant plus la virtuosité des joueurs de la Colombie, du Maroc, de l’Argentine et du Japon- les 4 équipes concernées ce jour-là – qu’elles et ses camarades ont eu l’occasion, l’année dernière, d’être initiés au cécifoot, ce foot à 5 contre 5 pour non-voyants.
Mardi, plusieurs classes de 3 collèges de Seine-Saint-Denis ont eu la chance, grâce à des places offertes par le Département, d’assister au tournoi paralympique dominé depuis Athènes 2004 par le Brésil mais où la France est toujours en lice, qualifiée pour les demi-finales.

“Le handicap n’empêche pas de faire des choses”

Quelques rangs plus loin, Douaa est tout aussi admirative. Les pensées de cette élève de Lucie-Aubrac à Villetaneuse vont aux joueurs dont elle suit les exploits, mais aussi à sa grande sœur, qui vient d’entrer en études supérieures. « Ma sœur a un handicap moteur, elle est en fauteuil donc j’étais déjà bien sensibilisée au handicap. Mais c’est super qu’un événement comme ça montre aux gens que le handicap n’empêche pas de faire des choses. Pour ma sœur par exemple, regarder les Jeux lui a donné envie de faire du foot-fauteuil. Une section est d’ailleurs en train de s’ouvrir à Bondy », explique cette élève de 3e. A côté d’elle, Inaya, apprentie journaliste, réfléchit déjà à ce qu’elle va écrire sur l’Instagram du collège, créé spécifiquement pour l’occasion : JO.urnalistes_x_g2024.
« La journée d’aujourd’hui est un peu l’aboutissement de tout un parcours inter-disciplinaire qu’on a mené l’année dernière. En sport, les élèves ont été sensibilisés au para-sport et certains ont pu reprendre une pratique sportive plus régulière. On a aussi fait venir au collège des athlètes de haut niveau comme le coureur Ludovic Ouceni ou le breakeur Danny Dan, que les élèves ont interviewés. », retracent, ravis, M.Arvieu et M.Cissé, leurs enseignants respectivement d’EPS et d’histoire-géo à Villetaneuse. Et les professeurs, après avoir salué le président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel présent en tribunes, de poursuivre : « Tout ça les a amenés à améliorer leur expression orale et écrite et à prendre confiance en eux. »

“Le but, c’est de changer leur regard sur le handicap”

Jeudi, rebelote… Cette fois, c’est le collège Jean-Baptiste Clément de Dugny qui était aux premières loges pour suivre Turquie-Japon, un match de classement entre la 5e et 6e place.
La météo capricieuse et les tribunes clairsemées n’ont pas eu raison des célébrations et des « olé ». Même si Lucas Chazelle le reconnaît : « on aurait préféré du beau temps ». Professeur d’EPS, le trentenaire accompagne avec trois autres enseignants un groupe de près de 50 élèves. « Hier, nous étions au volley-ball assis à Villepinte, aujourd’hui nous sommes ici, c’est une belle rentrée pour les élèves et pour nous ! ».
Arrivé·e·s juste avant la mi-temps, les collégien·ne·s se mettent rapidement dans l’ambiance. Hamza, 13 ans, maîtrise déjà bien les règles du jeu. « Le cécifoot se pratique avec un ballon à grelots qui permet aux joueurs de suivre sa position sur le terrain », explique-t-il très sérieusement. Drapeau bleu-blanc-rouge dessiné sur sa joue, il dit sa fierté d’être là : « La vue est juste magnifique et le niveau de jeu est très élevé ».
Pour Adel, qui s’est déjà initié à la discipline, le cécifoot mérite d’être connu. « Assister à un match en vrai, c’est génial ; lâche-t-il. Je n’avais aucun doute sur leur niveau, mais quand même, voir des frappes aussi fortes, ça m’a surpris ». A ses côtés, Curtis, pour qui c’est aussi l’occasion d’admirer la Dame de fer, approuve. « En plus d’être fair-play, ils savent travailler en équipe et donner toute leur énergie malgré leur handicap ».
Les différents handicaps justement, Lucas Chazelle en a parlé avec ses élèves avant d’assister aux épreuves. Il explique : « Le but, c’est de changer leur regard sur le handicap. Montrer que la performance sportive existe chez les para-athlètes ». Au courant de l’année scolaire, il aimerait surfer sur l’engouement de ses élèves et proposer des initiations aux para-sports. Quelles disciplines ? « Du volley assis et du cécifoot, forcément ! ».
Nicolas Le Hérissé et Christophe Lehousse
Photos: ©Fatima Jellaoui et ©Marie Magnin