- Sans eux, pas de Jeux !
Enquête pour une Seine olympique
Tout au long des Jeux olympiques et des épreuves en eaux vives, les agents de la Direction de l’eau et de l’assainissement de Seine-Saint-Denis auront été sur le qui-vive, à l’affut d’éventuelles traces de pollution qui auraient pu contaminer la Marne, puis la Seine… Reportage sur une enquête quasi-policière !
Nous sommes trois jours avant la première épreuve de natation olympique longue distance, les services de la direction de l’eau et l’assainissement reçoivent une alerte : la qualité de l’eau de la Seine a baissé, il pourrait y avoir une pollution qui pourrait empêcher la tenue des épreuves… Estelle Amouyal, directrice de la DEA explique : « C’est un problème en amont du site des épreuves, mais où ? A Paris ? Dans le Val-de-Marne ? Ou bien dans la Marne en Seine-Saint-Denis ? » Pour s’en assurer, Athmane Abbassi contrôleur de l’équipe prélèvement va vérifier la qualité des eaux à la sortie des sept exutoires qui déversent les eaux de pluie dans la Marne.
« Notre rôle est de contrôler la qualité des eaux rejetées en milieu naturel. D’ordinaire nous vérifions également le bon fonctionnement des installations de pré-traitement des eaux de ruissellement dans les stations-service, pour éviter les pollutions d’hydrocarbures, et nous luttons contre les pollutions. »
Toujours prêts à intervenir
Ces agents du Département interviennent souvent après une alerte des services des différents établissements publics territoriaux, des pompiers, de la police ou même d’habitants. « Souvent, c’est une odeur inhabituelle qui déclenche l’alerte. On ne sait jamais à quoi on a affaire, de quel type de pollution il s’agit, ni si on en aura pour deux heures ou deux jours ! »
Dans leur véhicule, les agents de l’équipe de prélèvement ont tout le matériel nécessaire : détecteurs de gaz, flacons de prélèvements adaptés à tel ou tel liquide, matériel de protection pour les personnels, balisage pour la protection de la zone… « Au besoin, reprend Athmane, nous partons avec une remorque équipée avec tout le matériel pour circonscrire une pollution : barrage flottant, absorbant, matériel de sécurité… » En plus de ce matériel mobile, d’autres sont placés à demeure et à l’abri à proximité de sites stratégiques, comme les exutoires de la Marne.
Sur le chemin, Athmane Abbassi raconte : « La difficulté, c’est de localiser la source de l’émission de pollution. Il faut remonter peu à peu, sans oublier une vanne, un embranchement… » Et le réseau départemental compte 750 km de canalisations ! « Il y a 3 ans, se souvient Athmane Abbassi, nous avons constaté une pollution à Montreuil dont la source était située au centre de Paris ! Notre but, c’est aussi de bien analyser la nature du produit polluant, de façon à confondre l’auteur, car la règle c’est pollueur = payeur ! L’an dernier nous avons retrouvé la personne qui avait déversé 100m3 d’huile de vidange, pour éviter de payer son retraitement. Il a dû régler l’ensemble des frais de dépollution, mais aussi ceux d’arrêts de plusieurs chantiers qui ont été privés d’eau… »
Contrôle méthode et sécurité
Arrivés rue Perche à Neuilly-sur-Marne, Athmane Abbassi et son jeune ouvrier Volkan Yavuz suivent scrupuleusement la procédure. Tout d’abord une « levée de doute », un contrôle visuel à la sortie de l’exutoire de 2m50 de diamètre : pas d’odeur, pas de couleur suspecte, tout à l’air normal. Nouvelle vérification en amont de la canalisation avec avant tout la mise en sécurité. « Il ne faut jamais perdre de vue que c’est un métier dangereux, reprend le chef d’équipe. Nous intervenons sur la voie publique et nous avons beau nous signaler avec des cônes, véhicules, barrières de protection, il y a toujours des personnes au volant distraites par leur téléphone, ou bien qui veulent absolument passer. Ensuite nous intervenons en sous-sol, avec un risque de chute. Sans compter les gaz, les risques d’explosion, d’asphyxie. Les rats peuvent s’y mettre également même si nous sommes tous vaccinés contre la leptospirose. Et évidement, il y a l’eau… »
Première action une fois le tampon (la grosse plaque de fonte ronde qui bouche l’accès) ôté, la vérification de la présence de gaz. Trois détecteurs sont descendus jusqu’au raz de de l’eau, chacun calibré sur un type de gaz, qui selon leur densité, sont présents soit tout en bas, soit à mi-distance ou proche de la surface. Rien de particulier, l’analyse de l’eau est possible. Un seau est prélevé pour un échantillonnage, avec lieu, date, heure… Un seau qui ramène quantité d’objets flottants : débris végétaux mais aussi emballage de médicament, bouchon en plastique, emballages alimentaires, mégots… « C’est habituel reprend Athmane Abbassi, c’est ce que bon nombre de personnes jettent dans le caniveau. Comme ils ne les voient plus, ils pensent qu’ils disparaissent ! Et nous les récupérons dans les grilles, les filtres, voire les pompes… Et tout cela fait grimper le prix de l’eau ! »
Dernière vérification au niveau de l’exutoire Saint Baudile, situé juste à l’aval de l’usine de potabilisation. Ce qui rappelle un souvenir à Athmane Abbassi : « En 2022, nous avons eu une grosse pollution de fuel rouge sur la Marne. En utilisant tout notre matériel, les barrages flottants, absorbants et après des jours de travail, nous avons pu contenir et régler cette pollution, juste en amont de l’usine de potabilisation. Nous avons pu éviter sa fermeture et éviter que plus d’un million d’habitants soient privé d’eau potable. Un beau travail ! »
Avec méthode, les agents vérifient pas à pas la qualité de l’eau rejetée dans la Marne. Tout est ok, les épreuves de natation vont bien se dérouler dans la Seine !
Georges Makowski
Reportage photo : Marie Magnin