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Hakim Arezki, le sport comme renaissance
Il a fait partie des 4 éléments du Bondy Cécifoot Club à disputer ces Jeux paralympiques de Paris 2024. A 41 ans, Hakim Arezki, déjà vice champion paralympique à Londres, avait soigneusement préparé cet événement. Nous l'avions rencontré en janvier 2020 pour qu'il nous raconte un parcours fait d'engagement et de courage.
Pour la photo, on lui situe la distance à laquelle se trouve le photographe. « Photographe à 15m, 10m… » « C’est comme au cécifoot ! », blague-t-on ensemble. Le cécifoot, football pour les non-voyants qui repose sur des indications précises données aux joueurs, c’est la grande passion d’Hakim Arezki. « Je l’ai découvert en 2004, à l’Institut National des Jeunes Aveugles à Paris, et depuis je n’ai plus jamais arrêté. », nous raconte de sa douce voix cette force tranquille d’1m84.
Cette discipline spectaculaire apporte aussi beaucoup à ceux qui prennent la peine de la regarder : un ballon sonore, des conduites de balle et des shoots impressionnants à 5 contre 5, alors que les gardiens, eux, sont voyants !
« Bien sûr qu’on ne devient pas joueur international de cécifoot comme ça. Il y a énormément de travail derrière, voire des sacrifices », insiste ce sportif de 36 ans, lassé que certains ne considèrent pas les athlètes handisport comme des athlètes avant tout.
Pourquoi la Seine-Saint-Denis, lui qui habite Boulogne-Billancourt et dont la carrière s’est pour l’instant faite à Saint-Mandé, aux Girondins de Bordeaux, au Sporting Paris et cette année au club du Précy-sur-Oise ? « Le lien, c’est évidemment les Jeux de Paris 2024 qui se dérouleront largement dans le 93. J’en espère des progrès en termes d’équipements, de transports accessibles et de changement de regard sur le handicap », explique-t-il avant d’ajouter : « En tant qu’athlètes, on a vraiment vu un avant et après Londres 2012. La médiatisation nous a notamment mis une claque, dans le sens positif. Pour la toute première fois, notre finale (perdue 2-0 contre le Brésil ndlr) était diffusée en direct sur le service public. J’en attends autant de Paris 2024, si ce n’est plus ».
Ambitieux pour la pratique handisport, Hakim Arezki se veut néanmoins confiant. « On n’est pas seuls dans ce combat et on a déjà perçu quelques signaux encourageants comme l’annonce du Prisme », remarque-t-il. Ce Pôle de référence inclusif sportif métropolitain, sorte de grand gymnase multimodal dédié à la pratique de tous – handicapés et valides – devrait sortir de terre fin 2023 à Bobigny, à l’initiative du Département. « La force de cet équipement, c’est qu’il sera ouvert à tous, facilement accessible en transports et pas uniquement orienté vers le haut niveau. », détaille Hakim Arezki, pas peu fier que cet équipement voie le jour dans le 93.
Reconnaissance et autonomie
C’est que le numéro 5 de l’équipe de France aimerait bien que le sport donne à d’autres personnes handicapées autant que ce que lui a reçu du cécifoot. « Il m’a tant apporté : de la reconnaissance et de l’autonomie. Sur un terrain de cécifoot, il y a vraiment des moments où tu oublies ton handicap, tellement tu te sens dans ton élément. », dit-il, le ton léger. Sa voix bascule en revanche dans les graves quand il évoque l’avant : « Le cécifoot m’a aussi permis de renouer avec le football, cette passion que j’avais du temps où j’étais encore voyant. »
Car Hakim Arezki a perdu la vue à l’âge de 18 ans, dans une manifestation en Algérie. Né en Kabylie, son adolescence est rythmée par le vent dans les oliviers de son village de montagne, Tamassit, les parties de foot sauvage après l’école et les chants revendicatifs de Lounès Matoub. Le 27 avril 2001, il est dans la rue, encore lycéen, à réclamer avec une foule d’étudiants la défense de la culture et de la langue kabyle, alors opprimés par le régime. « C’était une envie de changer les choses, pour revendiquer aussi nos origines berbères, trop souvent effacées par le pouvoir en place, sans forcément renier l’histoire de l’Algérie. Un peu comme maintenant, sauf que maintenant, il n’y a pas que la Kabylie dans la rue, et ça ça fait chaud au cœur », glisse-t-il.
Devoir de mémoire
Mais ce jour-là, l’armée fait feu sur les manifestants. Hakim reçoit deux balles, l’une dans la cheville droite, et l’autre – une balle explosive – dans la tempe. Ses deux nerfs optiques sont immédiatement sectionnés. Quant à sa jambe, elle accuse un début de gangrène. Hakim est alors rapatrié en France par son père, qui y vit déjà. Après une dizaine d’opérations et une lente rééducation, il commence une nouvelle vie : à l’Institut National des Jeunes Aveugles qui l’accueille, il apprend le braille et un métier, celui d’accordeur de pianos. C’est aussi là qu’il croise le cécifoot, développé dans cette école et au sein du club de l’AS Saint-Mandé, pionnier dans ce domaine. « Au début c’était compliqué car il fallait se défaire des repères d’avant. Ça n’était plus le foot que j’avais connu, même s’il y avait des similitudes. Mais petit à petit, j’ai pris le pli, et ça m’a aussi aidé dans le reste de mon développement. »
Alors, quand, en 2009, Hakim Arezki et ses coéquipiers sont sacrés champions d’Europe, premier titre dans l’histoire de l’équipe de France de cécifoot, une immense vague de bonheur submerge Hakim. « C’a été un sentiment très fort : d’abord une grande fierté personnelle et aussi une revanche par rapport à ce qui s’était passé 8 ans auparavant. »
Aujourd’hui, l’élan démocratique qui s’est emparé de l’Algérie actuelle résonne forcément en lui. Il en suit avec espoir les mobilisations citoyennes, même s’il se méfiera toujours des « coups tordus du pouvoir ». Virtuose pas seulement balle au pied, il a composé à la mandole- un oud kabyle – deux albums intitulés respectivement « Mon printemps », en référence à ce Printemps noir de 2001 qui a vu mourir 127 étudiants et mutilé des dizaines d’autres dont lui-même, et « Se souvenir ». Il y accomplit en chansons ce devoir de mémoire dont il se sent redevable envers « tous ces gens qui se sont battus pour une Algérie démocratique et qui sont morts ou exilés ». Et si lui et ses camarades l’emportent en septembre prochain à Tokyo 2020, il entonnera peut-être aussi de sa belle voix un petit Gloria Gaynor, aux accents très black blanc beur : « I will survive »
Mais ce jour-là, l’armée fait feu sur les manifestants. Hakim reçoit deux balles, l’une dans la cheville droite, et l’autre – une balle explosive – dans la tempe. Ses deux nerfs optiques sont immédiatement sectionnés. Quant à sa jambe, elle accuse un début de gangrène. Hakim est alors rapatrié en France par son père, qui y vit déjà. Après une dizaine d’opérations et une lente rééducation, il commence une nouvelle vie : à l’Institut National des Jeunes Aveugles qui l’accueille, il apprend le braille et un métier, celui d’accordeur de pianos. C’est aussi là qu’il croise le cécifoot, développé dans cette école et au sein du club de l’AS Saint-Mandé, pionnier dans ce domaine. « Au début c’était compliqué car il fallait se défaire des repères d’avant. Ça n’était plus le foot que j’avais connu, même s’il y avait des similitudes. Mais petit à petit, j’ai pris le pli, et ça m’a aussi aidé dans le reste de mon développement. »
Alors, quand, en 2009, Hakim Arezki et ses coéquipiers sont sacrés champions d’Europe, premier titre dans l’histoire de l’équipe de France de cécifoot, une immense vague de bonheur submerge Hakim. « C’a été un sentiment très fort : d’abord une grande fierté personnelle et aussi une revanche par rapport à ce qui s’était passé 8 ans auparavant. »
Aujourd’hui, l’élan démocratique qui s’est emparé de l’Algérie actuelle résonne forcément en lui. Il en suit avec espoir les mobilisations citoyennes, même s’il se méfiera toujours des « coups tordus du pouvoir ». Virtuose pas seulement balle au pied, il a composé à la mandole- un oud kabyle – deux albums intitulés respectivement « Mon printemps », en référence à ce Printemps noir de 2001 qui a vu mourir 127 étudiants et mutilé des dizaines d’autres dont lui-même, et « Se souvenir ». Il y accomplit en chansons ce devoir de mémoire dont il se sent redevable envers « tous ces gens qui se sont battus pour une Algérie démocratique et qui sont morts ou exilés ». Et si lui et ses camarades l’emportent en septembre prochain à Tokyo 2020, il entonnera peut-être aussi de sa belle voix un petit Gloria Gaynor, aux accents très black blanc beur : « I will survive ».
Christophe Lehousse
Photos : ©Nicolas Moulard