- Paralympique
L’équipe de France de cécifoot exhale un parfum de Seine-Saint-Denis
Alors que le tournoi de cécifoot s'est déroulé jusqu'au 7 septembre, l’équipe de France comptait, dans sa liste de dix joueurs, quatre membres du Bondy Cécifoot Club. Leur objectif ? Faire au moins aussi bien qu’à Londres en 2012, d’où les Bleus étaient repartis avec une médaille d’argent.
Depuis quelques années, la ville de Bondy est une fabrique à champions du ballon rond. Après avoir vu naître sur ses terres quelques stars de l’équipe de France actuelle comme Randal Kolo Muani, William Saliba et, bien sûr, Kylian M’Bappé, elle a assisté à l’éclosion en 2019 d’une formation handisport, le Bondy Cécifoot Club, qui envoie quatre de ses joueurs aux Jeux Paralympiques de Paris. Un club de Seine-Saint-Denis aussi bien représenté (en cécifoot, chaque sélection compte dix joueurs) dans une telle compétition, c’est tout simplement du jamais vu.
Mais pour Hakim Arezki, Tidiane Diakité, Martin Baron et Gaël Rivière qui, à l’instar de toute la délégation française, étaient particulièrement émus lors de la cérémonie d’ouverture, le 28 août, il n’est pas question de se laisser griser par l’événement et l’esprit de fête qui l’accompagne, ni envahir par le stress. Après la déconvenue des Jeux de Tokyo en 2021, où ils avaient fini dernier de la compétition, les Bleus rêvent de goûter de nouveau à la joie d’une médaille, douze ans après avoir l’argent obtenu à Londres. « C’est notre plus grand souhait évidemment, mais contentons-nous d’abord de réaliser une bonne entame de tournoi histoire d’envoyer un message à nos adversaires et de sortir de la poule, la suite on verra », tempère Hakim Arezki, qui, avec trois participations paralympiques (Londres, Tokyo et Paris) et deux titres de champion d’Europe (2009 et 2022) à son actif, sera l’un des joueurs les plus expérimentés chez les Bleus.
“On n’a pas peur”
Après avoir battu la Chine, vice championne du monde en titre , avec encore le Brésil et la Turquie dans sa poule, la France, championne d’Europe en titre, va devoir sortir le grand jeu. Le Brésil, invaincu depuis l’instauration du cécifoot aux Jeux paralympiques d’Athènes, en 2004, et donc détenteur de cinq titres, part ultra-favori et sera très difficile à détrôner. « Dans un tournoi comme celui-ci qui oppose peut-être les huit meilleures nations du monde, tous les matches sont difficiles, souligne le défenseur de 41 ans, sacré meilleur joueur français à trois reprises (2010, 2016 et 2022). Mais on n’a pas peur, physiquement et mentalement, nous sommes prêts. Quand on est sur le terrain, on laisse de côté le palmarès, les statistiques et la réputation des équipes, on joue, point. Et puis nous avons un avantage non négligeable sur les autres équipes : on évolue à la maison, devant notre public. »
Un public dont le Bondynois a déjà pu vérifier la ferveur lors de la cérémonie d’ouverture sur l’avenue des Champs-Élysées et la place de la Concorde. « Un moment inoubliable, unique car c’était la première fois que cet événement se tenait en dehors d’un stade, il y avait une vraie communion », dépeint Hakim Arezki qui, outre ses fonctions de footballeur, occupe celles de président du Comité départemental handisport du 93.
Dans les tribunes, c’est « silence, on joue »
Discipline paralympique pour la sixième fois, le cécifoot (ou foot pour déficients visuels) est un sport encore relativement méconnu mais ô combien spectaculaire qui, retransmis en Mondovision tous les quatre ans, enchante le public et les téléspectateurs ébahis par la vitesse et l’exceptionnelle perception de l’espace des joueurs. Avec quatre joueurs de champ et un gardien, seul voyant sur le terrain, les matchs de cécifoot se déroulent en deux mi-temps de quinze minutes sur une pelouse équivalent à celui d’un terrain de handball (40 mètres 20) entouré de barrières pour éviter la sortie du ballon. Le gardien de but joue un rôle essentiel car il participe à l’orientation de ses joueurs en zone défensive. En phase offensive, les joueurs sont assistés par un guide placé derrière les buts adverses. Les joueurs de champ, dont l’acuité visuelle est nulle ou très faible, portent un masque occultant destiné à protéger leur visage et à les mettre sur un pied d’égalité. Ne voyant pas le ballon, ils se fient uniquement aux informations sonores.
Le ballon est équipé de grelots. Quand ils le convoitent, les joueurs se signalent en disant « voy ». Si, pour toutes ces raisons évoquées, les spectateurs doivent garder le silence (ce qui n’est pas simple dans un sport qui suscite autant d’engouement, à fortiori aux Jeux), ils peuvent laisser éclater leur joie en cas de but. « Au tennis, les spectateurs doivent se conformer aux mêmes règles, en respectant le silence durant les échanges, rappelle Hakim Arezki. Le public saura parfaitement composer avec cette spécificité. Paradoxalement, c’est ce silence absolu qui nous permet d’offrir le plus beau des spectacles. » Dans une enceinte où chacune des rencontres se jouera à guichets fermés et où les matches de l’équipe de France seront retransmis en direct sur France Télévisions, la fête promet d’être belle.
Le Bondy Cécifoot Club espère un « effet Jeux »
S’il en est un dans le public qui, dès que la situation le permettra, applaudira à tout rompre les exploits des Français, c’est bien Jean-François Chevalier. Le président du Bondy Cécifoot Club, « fier et honoré que son club soit aussi bien représenté au Jeux », suivra avec attention les performances de ses joueurs. « Ce qui se passe aujourd’hui est le fruit d’un travail mené avec ces hommes depuis cinq ans, c’est l’aboutissement d’un projet qui aura été un véritable parcours du combattant et qui n’a de cesse de se développer depuis quelques mois », commente le dirigeant.
Symbole de ce renouveau, la livraison l’hiver dernier d’un terrain aux normes paralympiques (la France n’en compte que quatre sur son territoire) qui va propulser le club dans une nouvelle dimension. Cet équipement financé par la Ville, le Département et l’Agence nationale du sport (ANS) à hauteur de 1,3 million d’euros, permet aux joueurs de s’entraîner « dans les conditions du réel et de les mettre dans les meilleures dispositions en vue des grosses compétitions”, relève Jean-François Chevalier.
Si le Bondy cécifoot club s’appuie, rien que dans sa section handisport, – une section valide existe également – sur une grosse vingtaine de licenciés, un chiffre conséquent, son président veut croire en un « effet Jeux » pour renforcer ses effectifs. « La retransmission des matches à la télé va permettre de montrer au monde entier combien ce sport est intéressant et inciter des familles qui ont des enfants déficients visuels à les inscrire en club. Des rencontres dans des stades pleins au pied de la Tour Eiffel, on ne peut pas mieux faire en termes de communication. Pour notre club, qui souhaite lancer à la rentrée une académie à destination des enfants de 7 à 17 ans malvoyants ou non-voyants, c’est du pain béni. »
Grégoire Remund
Photo Nicolas Moulard 2019