« J’aime bien ce qu’on fait ici, c’est varié. Passer par le sport, c’est bien aussi. Ca permet d’évacuer plein de choses et ça produit une bonne fatigue. Le lendemain, on est prête à remettre ça» Ferouz, 23 ans, fait partie des 5 jeunes réunis depuis une semaine par le projet « Premier pas » du club de football américain de Villepinte.

Par ce programme, qui connaît actuellement sa 2e session, les Diables rouges comptent remettre le pied à l’étrier à des jeunes de 18 à 25 ans sortis du système scolaire sans diplôme ou en recherche d’emploi. « En deux mois, il s’agit de les remobiliser, de faire remonter leur confiance en eux qui est parfois entamée, en leur montrant qu’ils sont capables de plein de choses », explique Christopher Planchard, à l’origine de ce programme.

Deux mois de remobilisation

La 2e promotion de Premier pas, programme d’insertion par le sport lancé par le club de foot US des Diables Rouges de Villepinte.

Arrivé au club en 2019, ce tourbillon d’énergie a immédiatement matché avec l’esprit très social de David Villeval, le président du club et ancien international de foot américain. « Je me suis toujours dit que j’aimerais rendre au foot américain ce qu’il m’a donné. Et comme on est sur un territoire avec des besoins sociaux importants, c’était tout naturel pour moi de dépasser le cadre du sport », complète ce grand gaillard, imprégné de culture américaine selon laquelle le sport doit aussi parler à la « community » (la société).

En deux mois, les jeunes adressés au club par la Mission locale intercommunale de Villepinte-Tremblay et Sevran vont donc suivre des sessions de remise à niveau en français, apprendre à préparer des entretiens d’embauche, mais aussi faire du sport. Du flag principalement, cette variante « soft » du football américain où les contacts sont interdits, et qui vient d’être retenu parmi les nouveaux sports entrant dans le programme des Jeux olympiques de Los Angeles 2028.

De la salle de français de Victorine, la formatrice, la promo passe donc sans transition au dojo où ils répètent prises de balles de foot américain et passes. « Pour moi, cette touche sportive dans le programme me convient bien parce qu’elle m’a redonné un certain cadre. Avant, je vivais la nuit pour dormir le jour. Là, j’ai retrouvé un bon rythme », confie Yanis, à la recherche d’un poste d’assistant RH, lui qui a suivi un cursus quasi complet dans cette filière. José, la vingtaine, a lui dû interrompre son rêve de passer son BPJEPS – diplôme d’éducateur de sport – en raison d’une douleur à un tendon, mais la motivation et la curiosité sont désormais de retour, « même pourquoi pas pour d’autres métiers du sport ».

La semaine, ils la passent donc ensemble, à la manière d’une promo d’université. Même les repas du matin et du midi sont pris en commun, pour favoriser l’osmose du groupe. « Il y a d’autres raisons à cela : pour certains jeunes de la première promo, c’étaient leurs deux seuls vrais repas de la journée. Et aussi parce que ça évite à untel ou untel de rentrer au quartier et de croiser la mauvaise fréquentation qui va tout mettre par terre », abonde sans langue de bois Christopher Planchard.

Retrouver sa confiance en soi, être bien dans son corps

Mélissa Youssouf (2e gauche) , vice présidente du Département en charge de l’insertion professionnelle a rendu visite à la 2e promotion de “Premier pas”.

Les résultats, comme ceux des Diables rouges, sont plutôt bons : quelques mois après, les membres de la première promotion sont pratiquement tous en emploi ou en études. En témoigne Seydou, 18 ans, qui en quelques mois, a trouvé le courage de contacter une agence de mannequinat et doit aussi attaquer un CAP plomberie à Saint-Denis en janvier. « Avant, j’étais très timide, je m’interdisais beaucoup de choses, mais là, j’ai combattu ma timidité grâce aux formateurs d’ici », insiste le jeune homme, visiblement à l’aise. Ses camarades de promo ne sont pas non plus restés sur le carreau : l’un est cariste, l’autre vendeur chez Décathlon, deux autres ont repris des études d’ingénieurs du son.

« On croit vraiment à ce genre d’initiatives très concrètes. Qui dit insertion, dit travail sur la confiance en soi et ça passe aussi par le corps. S’appuyer sur le sport fait donc sens, pour des aspects santé mais aussi pour toutes les valeurs qu’il véhicule », souligne Mélissa Youssouf, vice présidente en charge de l’insertion professionnelle au Département, en visite ce jour-là. Pleinement dans l’esprit des actions d’insertion par le sport souhaitées par le Département, “Premier pas” a donc été lauréat d’Inser’sport et Impact 2024, des programmes portés par la Seine-Saint-Denis et Paris 2024.

Christophe Lehousse

Photos: ©Franck Rondot