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Timothée Adolphe, riche en émotion
Dimanche, on l'avait laissé déçu par sa médaille d'argent sur 400m. Timothée Adolphe, licencié de Saint-Denis Emotion, remet le couvert jeudi soir sur 100m, à la quête de l'or paralympique, la seule breloque qui manque à son immense palmarès. Nous avions interviewé l'athlète non-voyant en juillet avant les Jeux.
Que visez-vous aux Jeux de Paris 2024 ?
C’est simple : l’or et rien d’autre. On est déjà champions du monde, champions d’Europe, on a été vice champions paralympiques sur 100m (avec ses guides). L’or olympique est le seul qui nous manque encore. Ca semble plus qu’ouvert.
Est-ce que disputer les Jeux au Stade de France quand on représente la France mais aussi Saint-Denis, ça met encore plus la chair de poule ?
Oui, ça donne encore plus de sens. Prendre part aux Jeux, c’est déjà quelque chose de dingue, mais le faire à domicile et en plus dans la ville de son club, on peut difficilement faire mieux… Et pour moi, représenter Saint-Denis, c’est aussi représenter la diversité et la mixité au niveau du genre, de l’ethnie, de l’appartenance religieuse, du milieu social. La diversité, c’est une valeur qui me tient particulièrement à cœur.
Le grand public ne se rend pas forcément compte de ce que veut dire courir 10’’90 sur 100m en étant non-voyant…
Je dis souvent qu’on court en 10’’90, pas que je cours en 10’’90. Au-delà des qualités athlétiques, c’est la synchro avec mes guides (Jeffrey Lami sur 400m, Charles Renard sur 100m) qui est à la base de cette réussite. C’est comme si vous prenez deux plongeurs en duo : ils peuvent être bons séparément tous les deux, mais si la synchro n’y est pas, il n’y a pas de perf.
Qu’est-ce que vous espérez des Jeux en termes d’amélioration de l’accessibilité ?
Un moment, il faut que ce pays progresse. On a une loi d’accessibilité qui existe depuis 2005, mais il serait peut-être temps de l’appliquer ! C’était aussi le sens de mon coup de gueule en mai quand un taxi a refusé de me prendre, mon chien-guide et moi. La sensibilisation c’est bien, mais il y a un moment où il faut juste faut appliquer les choses. Aujourd’hui, on commence à prendre conscience que la maladie, le handicap peuvent nous concerner nous tous à n’importe quel moment de notre vie, mais il faut accélérer !
Que pensez-vous du Prisme, super gymnase construit par le Département à Bobigny et qui doit permettre la pratique partagée ?
J’ai hâte de le découvrir, j’ai même été consulté sur certains aspects. On a besoin de projets comme le Prisme pour faire avancer les choses, il faudrait en voir émerger d’autres. C’est bien aussi que la Seine-Saint-Denis soit mise en avant pour des projets comme celui-ci et pas toujours pour des histoires de faits divers.
A côté de votre carrière d’athlète, vous faites du rap. Pourquoi le rap ?
Ca fait 21 ans que je rappe. J’y suis venu par l’écriture ; la musique et la rythmique sont arrivés après. C’est le fait de pouvoir transmettre un message, une émotion qui m’a attiré. Dans mon rap, je ne parle pas que de ma carrière d’athlète. J’essaie aussi de toucher à des thèmes qui ne sont pas souvent abordés parce qu’ils peuvent être compliqués : des féminicides, l’adoption, j’ai aussi fait un morceau sur mon chien-guide. Entre musique et sport, ou aussi le stand-up que je pratique par ailleurs, il y a un peu la même démarche : il y a la même exigence et un côté performance dans lequel je me retrouve.
Propos recueillis par Christophe Lehousse
Photo: ©Sipa